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ne s'appelle que depuis la réponse. Celle-ci le
devance, elle vient au-devant de lui qui, devant
elle, n'est premier que pour s'attendre à la
réponse qui le fait advenir. Malgré les protesta-
tions tragiques que cette dure loi peut sembler
justifier (« mais alors, quoi ? dirait-on, quoi de
l'appel sans réponse, du cri de détresse solitaire ?
Et la solitude de la prière, et la séparation infi-
nie qu'elle atteste, n'est-ce pas au contraire la
vraie condition de l'appel, de l'appel infiniment
fini ? »), la nécessité demeure, aussi impertur-
bable que la mort, c'est-à-dire de la finitude:
depuis le fond sans fond de sa solitude, un
appel ne peut s'entendre lui-même, et s'entendre
appeler, que depuis la promesse d'une réponse.
Nous parlons de l'appel comme tel, s'il y en a.
Car si l'on veut en appeler à un appel qui ne se
reconnaît pas même comme appel, alors on peut
se passer, au moins pour le penser, de toute
réponse. C'est toujours possible, et cela ne
manque sûrement pas d'arriver.
Lévinas ne dit pas cela, il ne le dit pas ainsi,
mais je voudrais aujourd'hui me rendre à sa ren-
contre selon la voie de cette non-voie. )
Si le mot d'« hospitalité » y reste assez rare, le
mot d'« accueil » est sans conteste l'un des plus
fréquents et des plus déterminants dans Totalité
et Infini. On pourrait le vérifier même si, à ma
connaissance, on ne l'avait pas encore relevé
comme tel. Opératoire plus que thématique, ce
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concept opère en tout lieu, justement, pour dire
le premier geste en direction d'autrui.
Est-ce même un geste, l'accueil ? Plutôt le pre-
mier mouvement, et un mouvement apparem-
ment passif, mais le bon mouvement. L'accueil
ne se dérive pas, pas plus que le visage, et il n'y
a pas de visage sans accueil. C'est comme si l'ac-
cueil, tout autant que le visage, tout autant que
le lexique qui en est co-extensif et donc profon-
dément synonyme, était un langage premier, un
ensemble formé de mots quasi-primitifs - et
quasi-transcendantaux. Il faut penser d'abord la
possibilité de l'accueil pour penser le visage et
tout ce qui s'ouvre ou se déplace avec lui,
l'éthique, la métaphysique ou la philosophie pre-
mière - au sens que Lévinas entend rendre à ces
mots.
L'accueil détermine le « recevoir », la récepti-
vité du recevoir comme relation éthique. Nous
l'avions déjà entendu:
Aborder Autrui dans le discours, c'est accueillir
son expression où il déborde à tout instant l'idée
qu'en emporterait une pensée. C'est donc recevoir
d'Autrui au-delà de la capacité du Moi...
Ce recevoir, mot ici souligné et proposé
comme le synonyme de accueillir, il ne reçoit que
dans la mesure, une mesure démesurée, où il
reçoit au-delà de la capacité du moi. Cette dis-
proportion dissymétrique marquera plus loin,
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nous y viendrons, la loi de l'hospitalité. Or dans
le même paragraphe, proposition insolite, la rai-
son est elle-même interprétée comme cette récep-
tivité hospitalière. L'immense veine de la tradi-
tion philosophique qui passe par le concept de
réceptivité ou de passivité, et donc, pensait-on,
de sensibilité, par opposition à la rationalité, la
voici désormais réorientée dans sa signification la
plus profonde.
Il y va de l'acception de la réception.
On ne peut appréhender ou percevoir ce que
recevoir veut dire qu'à partir de l'accueil hospi-
talier, de l'accueil ouvert ou offert à l'autre. La
raison elle-même est un recevoir. Autre façon de
dire, si l'on veut parler encore sous la loi de la
tradition, mais contre elle, contre les oppositions
léguées, que la raison est sensibilité. La raison
même est accueil en tant qu'accueil de l'idée
d'infini  et l'accueil est rationnel.
Est-il insignifiant que Lévinas nomme en ce
lieu la porte ? Le lieu qu'il désigne ainsi, est-ce
seulement un trope dans une rhétorique de l'hos-
pitalité ? Si la figure de la porte, sur le seuil qui
ouvre le chez-soi, était une « façon de parler »,
elle dirait aussi la parole comme façon de parler,
façon de faire avec la main tendue en s'adressant
à autrui pour lui donner d'abord à manger, à
boire et à respirer, comme Lévinas le rappelle si
souvent ailleurs. La porte ouverte, façon de par-
ler, appelle l'ouverture d'une extériorité ou d'une
transcendance de l'idée d'infini. Celle-ci vient à
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nous par une porte, et cette porte traversée n est
autre que la raison dans l'enseignement.
Dans le même passage de « La transcendance
comme idée de l'Infini », les précautions scru-
puleuses du « mais », du « cependant », du « sans
toutefois », etc. aiguisent l'originalité de ce rece-
voir et de cet accueil. Cette porte ouverte est tout
sauf une simple passivité, le contraire d'une abdi-
cation de la raison:
Aborder Autrui dans le discours, c'est accueillir
[je souligne] son expression où il déborde à tout
instant l'idée qu'en emporterait une pensée. C'est
donc recevoir d'Autrui [Lévinas souligne] au-delà
de la capacité du Moi; ce qui signifie exactement:
avoir l'idée de l'infini. Mais cela signifie aussi être
enseigné. Le rapport avec Autrui ou le Discours
est un rapport non-allergique, un rapport éthique,
mais ce discours accueilli [je souligne encore] est
un enseignement. Mais [troisième « mais », je sou-
ligne, mais dans le mais, magis, mais plus encore,
mieux, ] l'enseignement ne revient pas à la maïeu-
tique. Il vient de l'extérieur et m'apporte plus que
je ne contiens. [Il ne revient pas -, il vient, donc,
il ne revient pas à -, il vient d'ailleurs, de l'exté-
rieur, de l'autre]. Dans sa transitivité non-violente
se produit l'épiphanie même du visage. L'analyse
aristotélicienne de l'intellect, qui découvre l'intel-
lect agent, venant par la porte [je souligne], abso-
lument extérieur, et qui cependant constitue, sans
la compromettre aucunement, l'activité souveraine
de la raison, substitue déjà à la maïeutique une
action transitive du maître, puisque la raison, sans
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